Qui veut la peau de Karim Achoui ?
Ce pourrait être un film avec Sean Pen et Al Pacino, dirigé par Brian de Palma, son titre « l’Impasse ». Si la vie de Karim Achoui rappelle le grand écran, rien pourtant ne s’y passe comme au cinéma. Les balles sont réelles et les blessures conduisent à l’hôpital. La carrière du brillant avocat commence comme une success-story et sombre rapidement dans le fait divers. En juin 2007, il est victime d’une tentative de meurtre. Règlement de compte pour la police, complot policier pour l’intéressé. L’affaire reste à éclaircir.
Le 22 juin 2007 ne sera pas une bonne journée pour l’avocat Karim Achoui. Le matin même le tribunal correctionnel le condamne à une peine d’emprisonnement avec sursis tout en lui signifiant une interdiction d’exercer son métier.
Et ce n’est qu’un prélude, le pire de ses ennuis est à suivre. Le soir, à 21h45, l’avocat sort de son cabinet avec sa petite amie. Alors qu’il se dirige vers son véhicule, stationné dans un parking souterrain, il aperçoit deux silhouettes casquées qui semblent l’attendre.
Aussitôt l’un des deux hommes fond sur lui en brandissant une arme de poing. Karim Achoui tente de s’enfuir et reçoit alors une première balle dans le dos. Une deuxième suivra quelques instants plus tard et le touchera à la hanche. La troisième passera à quelques centimètres de son oreille.
Karim Achoui est à terre, le tireur s’approche avec l’intention manifeste d’en finir. C’est finalement l’éraillement de l’arme qui sauvera la vie de l’avocat. La vie sulfureuse de Karim Achoui vient de connaître un de ses épisodes les plus dramatiques.
Aux côtés de Jacques Vergès
Fils d’un ouvrier de chez Renault, et d’une mère nourrice, tous deux arrivés de Kabylie, Karim Achoui voit le jour en 1967, à Boulogne-Billancourt. Après des études de droit à la faculté de Paris XII Saint-Maur, ce jeune avocat fait des débuts brillants en 1996 au cabinet de Maitre Jacques Verges. Quelques temps plus tard, il rejoindra le cabinet de son ancien professeur à l’université, Maitre Jean-Marc Florand. Ses talents de pénaliste le font très vite remarquer par les stars du barreau.
Dès 2000, il peut ouvrir son propre cabinet. Il va connaître une ascension fulgurante, au point d’être souvent cité comme un modèle d’intégration à la française. Dans les salles d’audience, il obtient des succès remarqués, dont un non-lieu, arraché de haute lutte, en faveur de Michel Lepage, un des parrains du gang de la banlieue sud. Peu à peu, Karim Achoui entre dans le cénacle des avocats médiatisés. La vie lui sourit. Il compte parmi ses clients, outre des membres notoires de diverses pègres, des stars de la télé et du cinéma, des sportifs et des figures du patronat français.
Une vie de flambeur
Cependant les ennuis arrivent rapidement. En effet, Karim Achoui semble avoir noué des liaisons dangereuses avec ses clients vedettes du grand-banditisme. Le brillant avocat joue volontiers de son image de défenseur du milieu. Chevelure soigneusement gominée et costumes sur mesure, hautain, facilement provocateur : il aime flamber.
La scène semble tout doit sortie d’un film de Jean-Pierre Melville. C’est par un petit matin blême, qu’il est cueilli chez lui par l’Office central pour la répression du banditisme (OCRB) aux premières heures du 28 novembre 2005. Mis en examen pour complicité de meurtre, complicité dans l’évasion d’Antonio Ferrara et association de malfaiteurs ; il sera condamné en décembre 2008 à une peine de sept ans de prison. De la lumière des sunlights à la pénombre d’une cellule, sa vie ressemble de plus en plus à un bad trip hollywoodien. Il sera libéré sous caution, quelques semaines plus tard, en février 2009, après avoir fait appel.
Désormais les affaires ne vont plus laisser Karim Achoui en paix. Rien de plus normal pour un avocat ? Sauf qu’en l’occurrence, il tient le rôle de l’accusé. En 2005, il est mis en examen pour subordination de témoin dans une affaire d’extorsion de fond concernant le clan Hornec. En 2007, on le retrouve en garde à vue dans une affaire de blanchiment d’argent. Toujours en 2007, il se trouve poursuivi pour avoir utilisé frauduleusement la signature de sa femme afin de faciliter la création d’une enseigne commerciale.
Radié à vie du barreau
C’est à la suite de cette dernière affaire que Karim Achoui se voit signifier une interdiction de plaider. Mesure qui sera rendue définitive en 2012 avec sa radiation du barreau de Paris. Aujourd’hui, Karim Achoui ne peut plus s’inscrire auprès d’aucun barreau européen. Il a de plus été mis en liquidation judiciaire pour un passif de plus de 500 000 euros.
Dans ce contexte, la tentative d’assassinat dont il est victime, apparait comme une banale affaire de règlement de compte. C’est l’histoire classique de l’avocat flirtant avec le milieu, découvrant la vie facile et l’argent qui coule à flot. Vient le jour où il franchit la ligne fatale. Celle qui consiste à user de méthodes de bandits avec les truands eux-mêmes. Un des membres du clan Hormec ne dira pas le contraire lorsqu’il déclarera que l’avocat à fait l’objet de plusieurs « mises au point » opérées par la pègre. On lui reprochait d’empocher l’argent destiné à des mises en liberté sans que les écrous ne soient levés. La police penche d’ailleurs pour la thèse du client doublé par son avocat voulant se faire justice lui-même.
Règlement de compte contre complot policier
Mais Karim Achoui ne l’entend pas de cette oreille. Il se défendra toujours d’avoir été menacé par le milieu. Pour lui, les auteurs de cette tentative de meurtre ne sont autres que des éléments « pourris » de la police. Karim Achoui s’expliquera notamment dans un livre témoignage (« Un avocat à abattre »), où il tente d’étayer la thèse du complot policier. On invoquera aussi la jalousie suscitée par sa réussite fulgurante. La version du complot trouvera d’ailleurs un prolongement inattendu en 2013.
Suite à ses nombreux déboires, Karim Achoui se découvre une nouvelle vocation. Le 16 septembre 2013, il crée la Ligue de Défense des Musulmans. Cet engagement lui vaut le soutien du polémiste d’extrême droite Alain Soral. Pour ce dernier, les ennuis de l’avocat relève tout simplement du complot sioniste !
Mais la vie de Karim Achoui résiste aux plus grossières des caricatures. Aujourd’hui encore, aucune version n’a été confirmée. Et comme rien n’est simple avec Karim Achoui, le procès des auteurs présumés de son agression, a donné lieu, en septembre de 2013, à des scènes cocasses. Au cours de l’audience, la victime – Karim Achoui – a montré le plus vif empressement à défendre ses agresseurs. Présentés par la police, ces derniers risquaient en effet de démentir la thèse du complot. Résultats, les six principaux accusés ont été acquittés ! Maitre Achoui n’a rien perdu de son talent. Et le mystère demeure entier !