La formation initiale des avocats va être réaménagée
« Il était temps que tout cela change ! » Selon les professionnels du métier d’avocat, la formation dispensée par les CRFPA (Centre régional de formation professionnelle des avocats) avait besoin depuis longtemps d’un bon coup de neuf.
C’est donc pour cette raison que lors de son assemblée générale tenu les 16 et 17 novembre 2018, le CNB (Conseil national des Barreaux) a adopté une résolution visant à réformer les formations pour les futurs avocats. Il reste désormais à mettre toutes ces nouvelles mesures rapidement en œuvre et ne pas laisser traîner comme ce fut déjà le cas après l’assemblée générale d’octobre 2014 : les mesures prises n’avaient été que partiellement suivies d’effets.
Un abaissement de la durée de la formation initiale
L’AG de novembre 2018 devrait toutefois marquer les esprits car de véritables changements ont été validés. Le premier point important est l’abaissement de la durée de formation de 18 à 12 mois. De nombreux élèves avocats se plaignent de l’effet de redondance lors six mois de cours après avoir passé cinq ans sur les bancs de la fac. De manière générale, ils déplorent le manque de préparation au métier et souhaitent une école plus professionnalisante afin de développer des réflexes qui leur seront demandés dès leur premier jour de stage.
La formation théorique sera donc rabaissée à quatre mois (apprentissage de la déontologie, du métier, du développement et de la gestion de cabinets…), laissant ainsi deux mois de formation au sein d’une juridiction (entreprise, administration…) puis six mois de stage au sein d’un cabinet d’avocats. Cette réduction du temps passé à l’école permet de réduire les coûts de formation et d’aligner la durée de l’apprentissage sur une année civile avec l’examen du CAPA (Certificat d’aptitude à la profession d’avocat) à passer au mois de décembre.
Un allègement du CAPA
D’ailleurs ce dernier sera aussi retouché, ce qui n’est pas sans poser de problèmes auprès du milieu universitaire clairement visé par la réforme. Premièrement, on ne souhaite plus que le président du jury soit un universitaire mais un avocat professionnel. L’université a déjà protesté, dénonçant haut et fort une volonté des avocats de rester en vase clos.
Un allègement du CAPA est prévu surtout que cet examen de fin d’études représente à lui seul 15 % du budget de la formation. Une part très élevée pour un diplôme dont le taux de réussite (98 %) prouve qu’il ressemble davantage à une validation d’acquis qu’à un examen décisif. Son obtention sera donc conditionnée à une moyenne de trois notes : celle de contrôle continu, une épreuve orale de déontologie de 30 minutes avec un seuil éliminatoire à moins de 10/20 et un oral de 40 minutes portant sur la présentation d’un dossier.
Abrogation de la passerelle pour les docteurs en droit
Les conditions d’accès au CRFPA feront également l’objet de transformations et c’est un point qui déplaît là aussi fortement aux universitaires dont on tente de couper une passerelle : les docteurs en droit, qui étaient jusque-là dispensés d’examen d’entrée, devront se plier à l’examen oral, ce qui a soulevé un tollé au sein de l’université.
Les membres du CNB ont trouvé leur argument : 8 % des élèves-avocats sont des docteurs en droit et 62 % de ceux qui échouent au CAPA font partie de ces 8 %. Autrement dit, obliger les docteurs en droit à passer par la « case oral » pourrait permettre de mieux anticiper les futurs échecs de fin de formation d’autant plus qu’ils seront toujours dispensés de l’examen écrit. Le CNB avait déjà essayé en 2012 et 2015 de supprimer ce privilège des universitaires mais la levée de bouclier qu’elle avait suscitée avait eu raison de cette réforme.
Accès au concours d’entrée seulement avec un master 2
Les conditions d’accès au CRFPA seront rehaussées. Il faudra désormais entrer avec un master 2, le M1 ne suffira plus. Ce changement est justifié par une volonté de s’aligner sur d’autres professions comme les notaires ou commissaires de police et de s’adapter aux normes européennes avec le processus de Bologne (le triptyque LMD). Le fait que 90 % des élèves reçus à l’examen d’entrée soient déjà en possession d’un voire deux masters a également poussé le CNB à revoir ses conditions.
Enfin, la commission du CNB souhaite voir se développer l’esprit de compagnonnage en proposant à chaque nouvel avocat s’installant dès sa première année d’exercice d’être accompagné par un autre professionnel ayant au moins un an de pratique derrière lui. Pour les autres qui restent libéraux, il faudra suivre dans la première année une formation obligatoire complémentaire au CAPA avec 30h de formation dont dix heures de déontologie et dix heures de formation à la gestion de cabinet.
Il faut maintenant attendre les validations légales et le passage par les voies législatives et réglementaires avant de savoir quand et comment ces nouvelles mesures seront adoptées officiellement.