Affaire de la crèche Baby Loup : flou juridique autour de la laïcité
«Votre décision sera inscrite dans l’histoire de la laïcité en France ». Le 27 novembre 2013, l’avocat Richard Malka se félicite de la décisions de la Cour d’Appel de Paris. Il triomphe ce jour-là au terme de près de 5 ans de procédures. Un peu plus de 6 mois plus tard, la Cour de Cassation confirme la décision et vient acter définitivement la victoire de la crèche Baby loup et de Richard Malka. Retour sur une affaire qui aura marqué l’histoire de la laïcité.
A l’origine : la crèche Baby Loup et une salariée voilée
L’affaire débute en décembre 2008. Fatima A., salariée de la crèche associative Baby Loup située à Chanteloup-les-Vignes, reprend son travail après cinq ans de congé de maternité ; elle annonce vouloir garder son voile islamique pendant ses heures de travail. La directrice de la crèche, Natalia B., refuse. Elle invoque le règlement intérieur de Baby Loup qui pose l’obligation de « neutralité politique et confessionnelle ». Face l’insistance de Fatima A., la direction de la crèche finit par décider un licenciement pour faute grave.
Décembre 2010, le conseil des Prud’hommes de Mantes-la-Jolie, saisit par l’employée licenciée, statue en faveur de Baby Loup et confirme le licenciement, arguant que la femme a fait preuve « d’insubordination caractérisée ». Ce jugement est confirmé par la cour d’appel de Versailles en octobre 2011. Pour cette juridiction, le licenciement ne présente pas de caractère discriminatoire : les enfants de la crèche doivent pouvoir être accueillis sans qu’il n’y ait de « de manifestations ostentatoires d’appartenance religieuse ».
Revirement de l’affaire Baby Loup : la Cour de Cassation
L’opinion publique est partagée. Pour certains, cette affaire est une preuve des dangers qu’encourent la laïcité ; pour d’autres, elle montre l’islamophobie d’une partie de la population. Licenciement abusif ? Faute grave ? La Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) est saisie par Fatima A. Elle émet dans un premier avis favorable à l’ex employée mais revient ensuite sur sa position avec l’arrivée de Jeannette Bougrab à la tête de l’institution.
Coup de théâtre, en mars 2013, la cour de cassation annule le licenciement controversé. La plus haute juridiction française estime que dans le cadre d’une crèche privée comme Baby Loup, l’obligation de neutralité religieuse qui s’applique aux fonctionnaires ne peut constituer un motif valable de licenciement. En l’absence de délégation de service public, les employés de la crèche ne sauraient en effet être apparentés à des fonctionnaires.
Richard Malka, avocat de la crèche dénonce à cette occasion « un jour noir de la laïcité ». Il est rejoins par de nombreux soutiens qui entendent manifester leur attachement profond à la laïcité : Elisabeth Badinter, Alain Finkielkraut ou encore le ministre de l’Intérieur Manuel Valls, qui n’hésite pas à regretter publiquement la décision de la cour de cassation. Le 25 mai 2013, ce dernier remet la médaille du mérite à la directrice de la crèche.
La victoire finale de la crèche Baby Loup et de l’avocat Richard Malka
Le 27 novembre 2013, l’affaire rebondit une nouvelle fois, lorsque la cour d’appel de Paris se désolidarise de la Cour de Cassation et confirme finalement le licenciement de Fatima A. Cette décision est un coup de tonnerre, qui contribue à installer ce procès dans les annales de l’histoire juridique d’une part, mais aussi et surtout à le poser comme un moment fort de l’histoire de la laïcité en France. Richard Malka, lui, n’en est pas à son premier coup. L’affaire de la crèche Baby Loup n’en est pas moins une étape de plus dans le parcours qui a fait sa renommée. Depuis l’affaire des caricatures, l’homme est l’un des défenseurs les plus acharnés et tenaces de la laïcité.
Le 25 juin 2014, la Cour de Cassation se prononce à nouveau et met un terme définitif à l’affaire Baby Loup. Elle donne raison à la Cour d’Appel et confirme le licenciement. La crèche et Richard Malka ont gagné.
Baby Loup n’est plus, mais l’Histoire demeure
Depuis, la crèche Baby Loup a fermé ses portes. C’était pourtant sur place la seule garde d’enfants à rester ouvert 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Une nécessité dans ce quartier sensible de Chanteloup-les-Vignes comptant beaucoup de mères célibataires travaillant la nuit. Pour la directrice, la situation devenait intenable, les salariés subissaient trop de pressions de la part des habitants.
L’affaire, néanmoins, aura réellement marqué les français. Un président de la République qui intervient directement lors d’une émission de télévision, un ministre de l’Intérieur qui s’oppose publiquement à une décision de la cour d’appel, suivi en la matière par un ex-premier ministre, un grand-avocat qui s’investit corps-et-âme dans l’affaire, autant d’éléments qui soulignent s’il le fallait l’importance de cette question dans la société d’aujourd’hui.